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HISTOIRE DES FÉES
ET DE
LA LITTÉRATURE FÉERIQUE
EN FRANCE.



I.


L’homme ne vit pas seulement de pain ; il vit encore et surtout, on peut le dire en songeant combien ce superflu lui est nécessaire, il vit encore et surtout de surnaturel, de merveilleux. C’est là le pain quotidien, d’imagination et de sentiment, dont se nourrit sa pensée. C’est là cette vie de fiction, cette vie de derrière, dont parle Pascal, où il se réfugie pour se consoler et se venger des déceptions de la vie de devant. On peut dire que l’âme humaine n’a toute sa respiration, toute son envergure que du côté de l’infini : aussi n’est-il pas étonnant qu’elle échappe, tant qu’elle le peut, à l’atmosphère étroite, étouffante, de la réalité, pour se dilater, se développer dans l’air idéal, pour « respirer et s’épanouir, suivant le mot de Bossuet, du côté du ciel ».

Ce besoin d’oublier la terre, la réalité, leurs déceptions, leurs affronts, si durs aux âmes fières, leurs chocs brutaux, si douloureux aux sensibilités délicates, est un besoin universel. Le rêve, plus que le rire, distingue l’homme des animaux, et établit sa supériorité.

C’est un besoin même pour les grands, pour les forts, pour les riches, pour ceux qui peuvent réaliser leurs moindres caprices, vivre à leur fantaisie, embellir leur existence de toutes les poésies du luxe, de tous les charmes de l’art. Ceux-là même, plus d’une fois par jour, touchent le tuf de leur jouissance, et sentent que le fond de toute chose est amer. Ils épuisent les