Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/209

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de ne témoigner ni soupçon ni curiosité, et de paraître plus endormie qu’à l’ordinaire. Elle se coucha de bonne heure, elle ronfla de son mieux, et la pauvre princesse déçue, ouvrant la petite fenêtre, s’écria :

Oiseau bleu, couleur du temps,
Vole à moi promptement.

Mais elle l’appela toute la nuit inutilement ; il ne parut point:car la méchante reine avait fait attacher au cyprès des épées, des couteaux, des rasoirs, des poignards, et, lorsqu’il vint à tire-d’aile s’abattre dessus, ces armes meurtrières lui coupèrent les pieds ; il tomba sur d’autres qui lui coupèrent les ailes ; et enfin, tout percé, il se sauva avec mille peines jusqu’à son arbre, laissant une longue trace de sang.

Que n’étiez-vous là, belle princesse, pour soulager cet oiseau royal ? Mais elle serait morte, si elle l’avait vu dans un état si déplorable ! Il ne voulait prendre aucun soin de sa vie, persuadé que c’était Florine qui lui avait fait jouer ce mauvais tour. « Ah ! barbare, disait-il douloureusement, est-ce ainsi que tu payes la passion la plus pure et la plus tendre qui sera jamais ? Si tu voulais ma mort, que ne me la donnais-tu toi-même ? elle m’aurait été chère de ta main. Je venais te trouver avec tant d’amour et de confiance ! Je souffrais pour toi, et je souffrais sans me plaindre ! Quoi ! tu m’as sacrifié à la plus cruelle des femmes ! Elle était notre ennemie commune, tu viens de faire ta paix à mes dépens. C’est toi, Florine, c’est toi qui me poignardes ! Tu as emprunté la main de Truitonne, et tu l’as conduite jusque dans