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Elles demeurent d’un art primitif, naïf, comme leurs auteurs et leur public.

Il importe de le constater dès le début : c’est une vérité absolue, confirmée par l’histoire de la critique, que la littérature féerique est d’origine, d’essence populaire. Les contes de fées sont des fleurs des champs, de frustes chefs-d’œuvre de l’imagination rustique. Leurs types sont sortis un à un de la cervelle d’auteurs sans le savoir ; patriarches au chef chenu, courbés sur leur bâton, et dont un verre de cidre ou de vin réveillait les souvenirs ; grand mères à coiffe de lin, filant leur quenouille, ou tournant leur rouet, nourrices cherchant à endormir, sur leur sein tari, les enfantelets repus. La chaumière et la taverne ont, avant le château, entendu les premiers contes de fées, à la lueur de la lampe des veillées.

Perrault, le premier, a recueilli ces canevas populaires, et les a quelque peu habillés, brodés, poudrés, tout en respectant leur naïveté et leur malice foncières. Après lui sont venues les belles dames, les baronne d’Aulnoy, les comtesse de Murat, les comtesse d’Auneuil, les demoiselles de la Force et L’Héritier de Villaudon, qui ont exécuté de brillantes et galantes variations sur ces thèmes si nouveaux pour les oreilles aristocratiques et si anciens pour celles des rustres.

Mais il n’importe ; qu’elle ait été ou non, au dix-septième siècle, paysanne pervertie, transportée de la campagne à la ville, de la chaumière au salon, au boudoir, la littérature féerique n’en demeure pas moins, par son origine, ses débuts, son inspiration, ses moyens, son but, une littérature essentiellement populaire, rustique, et par là même admirablement accommodée, appropriée à son public enfantin ou villageois.

À un tel public conviennent par excellence ces récits brefs, naïfs et narquois, aux animaux parlants, aux personnages fantastiques charbonnés du trait grossier, mais vivant, de la caricature, à la moralité vulgaire, mais marquée le plus souvent au coin de l’observation, de l’expérience et de la malice, et riant de ce rire des humbles, doux et même un peu triste, de ce rire des philosophes de la bure et du chaume, qui rient de tout, de crainte d en pleurer, sans rien des prétentions politiques et de la verve effrontée de ce philosophe de la livrée qui sera Figaro.

Figaro n’eût pas trouvé ces apologues rustiques, au sel un peu