Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/218

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que la plupart de ces coquettes faisaient. Cette circonstance n’y attirait pas moins d’hommes ; le miroir leur plaisait aussi. Il faisait paraître aux uns de beaux cheveux, aux autres la taille plus haute et mieux prise, l’air martial et meilleure mine. Les femmes, dont ils se moquaient, ne se moquaient pas moins d’eux ; de sorte que l’on appelait cette montagne de mille noms différents. Personne n’était jamais parvenu jusques au sommet, et, quand on y vit Florine, les dames poussèrent de longs cris de désespoir. « Où va cette malavisée ? disaient-elles. Sans doute qu’elle a assez d’esprit pour marcher sur notre glace : du premier pas elle brisera tout. » Elles faisaient un bruit épouvantable.

La reine ne savait comment faire, car elle voyait un grand péril à descendre par là ; elle cassa un autre œuf, dont il sortit deux pigeons et un chariot, qui devint en même temps assez grand pour s’y placer commodément ; puis les pigeons descendirent légèrement avec la reine, sans qu’il lui arrivât rien de fâcheux. Elle leur dit : « Mes petits amis, si vous vouliez me conduire jusques au lieu où le roi Charmant tient sa cour, vous n’obligeriez pas une ingrate. » Les pigeons, civils et obéissants, ne s’arrêtèrent ni jour ni nuit qu’ils ne fussent arrivés aux portes de la ville. Florine descendit, et leur donna à chacun un doux baiser, plus estimable qu’une couronne.

Oh ! que le cœur lui battait en entrant ! Elle se barbouilla le visage pour n’être point connue. Elle demanda aux passants où elle pouvait voir le roi. Quelques-uns se prirent à rire. « Voir le roi ! lui dirent-ils. Hé ! que lui veux-tu, ma Mie-Souillon ? Va, va te décrasser, tu n’as pas les yeux assez bons pour voir un tel monarque. » La reine ne répondit