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Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/221

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Le roi ne s’informa point d’où venaient ces bracelets, moins par indifférence pour celle qui les présentait (bien qu’elle ne fût guère propre à faire naître la curiosité) que par un éloignement invincible qu’il sentait pour Truitonne. Or, il est à propos qu’on sache que, pendant qu’il était oiseau bleu, il avait conté à la princesse qu’il y avait sous son appartement un cabinet qu’on appelait le cabinet des échos, qui était si ingénieusement fait, que tout ce qui s’y disait fort bas était entendu du roi lorsqu’il était couché dans sa chambre ; et, comme Florine voulait lui reprocher son infidélité, elle n’en avait point imaginé de meilleur moyen.

On la mena dans le cabinet par ordre de Truitonne : elle commença ses plaintes et ses regrets. « Le malheur dont je voulais douter n’est que trop certain, cruel oiseau bleu ! dit-elle. Tu m’as oubliée, tu aimes mon indigne rivale. Les bracelets que j’ai reçus de ta déloyale main n’ont pu me rappeler à ton souvenir, tant j’en suis éloignée. » Alors les sanglots interrompirent ses paroles, et, quand elle eut assez de force pour parler, elle se plaignit encore et continua jusqu’au jour. Les valets de chambre l’avaient entendue toute la nuit gémir et soupirer : ils le dirent à Truitonne, qui lui demanda quel tintamarre elle avait fait. La reine lui dit qu’elle dormait si bien qu’ordinairement elle rêvait et qu’elle parlait très souvent tout haut. Pour le roi, il ne l’avait point entendue par une fatalité étrange : c’est que, depuis qu’il avait aimé Florine, il ne pouvait plus dormir ; et, lorsqu’il se mettait au lit, pour lui faire prendre quelque repos, on lui donnait de l’opium.

La reine passa une partie du jour dans une étrange in-