Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/236

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à l’autre en moins de temps qu’il n’en faut pour dire bonjour ou bonsoir ; mais cette fois-ci elles étaient de la meilleure humeur qu’il est possible.

La reine les vit entrer dans sa chambre avec un air gai et majestueux ; leurs nains et leurs naines les suivaient, tous chargés de présents. Après qu’elles eurent embrassé la reine et baisé la petite princesse, elles déployèrent sa layette, dont la toile était si fine et si bonne qu’on pouvait s’en servir cent ans sans l’user : les fées la filaient à leurs heures de loisir. Pour les dentelles, elles surpassaient encore ce que j’ai dit de la toile : toute l’histoire du monde y était représentée, soit à l’aiguille, ou au fuseau. Après cela elles montrèrent les langes et les couvertures, qu’elles avaient brodés exprès : l’on y voyait représentés mille jeux différents auxquels les enfants s’amusent. Depuis qu’il y a des brodeurs et des brodeuses, il ne s’est rien vu de si merveilleux ; mais, quand le berceau parut, la reine s’écria d’admiration, car il surpassait encore tout ce qu’elle avait vu jusqu’alors. Il était d’un bois si rare qu’il coûtait cent mille écus la livre. Quatre petits Amours le soutenaient : c’étaient quatre chefs-d’œuvre, où l’art avait tellement surpassé la matière, quoiqu’elle fût de diamants et de rubis, que l’on n’en peut assez parler. Ces petits Amours avaient été animés par les fées, de sorte que, lorsque l’enfant criait, ils le berçaient et l’endormaient ; cela était d’une commodité merveilleuse pour les nourrices.

Les fées prirent elles-mêmes la petite princesse sur leurs genoux, elles l’emmaillotèrent et lui donnèrent plus de cent baisers : car elle était déjà si belle qu’on ne pouvait la voir sans l’aimer. Elles remarquèrent qu’elle avait besoin de te-