Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que Votre Altesse ne soit point fâchée contre une reine qui n’a jamais eu dessein de vous déplaire ; quittez, de grâce, cette figure d’écrevisse, faites que nous vous voyions avec tous vos charmes. »

J’ai déjà dit que la fée de la fontaine était assez coquette ; les louanges que ses sœurs lui donnèrent l’adoucirent un peu. « Eh bien ! dit-elle, je ne ferai pas à Désirée tout le mal que j’avais résolu, car assurément j’avais envie de la perdre, et rien n’aurait pu m’en empêcher ; cependant je veux bien vous avertir que, si elle voit le jour avant l’âge de quinze ans, elle aura lieu de s’en repentir, il lui en coûtera peut-être la vie. » Les pleurs de la reine et les prières des illustres fées ne changèrent point l’arrêt qu’elle venait de prononcer ; elle se retira à reculons, car elle n’avait pas voulu quitter sa robe d’écrevisse.

Dès qu’elle fut éloignée de la chambre, la triste reine demanda aux fées un moyen pour préserver sa fille des maux qui la menaçaient. Elles tinrent aussitôt conseil, et enfin, après avoir agité plusieurs avis différents, elles s’arrêtèrent à celui-ci : qu’il fallait bâtir un palais sans portes ni fenêtres, y faire une entrée souterraine, et nourrir la princesse dans ce lieu jusqu’à l’âge fatal où elle était menacée.

Trois coups de baguette commencèrent et finirent ce grand édifice. Il était de marbre blanc et vert par dehors ; les plafonds et les planchers, de diamants et d’émeraudes qui formaient des fleurs, des oiseaux et mille choses agréables. Tout était tapissé de velours de différentes couleurs, brodé de la main des fées ; et, comme elles étaient savantes dans l’histoire, elles s’étaient fait un plaisir de tracer les plus belles et les plus remarquables : l’avenir n’y était pas moins représenté