Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/245

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« Une fée, au moment de sa naissance, la prit en aversion, et la menaça d’une très grande infortune, si elle voyait le jour avant l’âge de quinze ans ; nous la tenons dans un palais où les plus beaux appartements sont sous terre. Comme nous étions dans la résolution de vous y mener, la fée Tulipe nous a prescrit de n’en rien faire. — Eh quoi ! Sire, répliqua l’ambassadeur, aurai-je le chagrin de m’en retourner sans elle ? Vous l’accordez au roi mon maître pour son fils, elle est attendue avec mille impatiences : est-il possible que vous vous arrêtiez à des bagatelles comme sont les prédictions des fées ? Voilà le portrait du prince Guerrier que j’ai ordre de lui présenter ; il est si ressemblant, que je crois le voir lui-même lorsque je le regarde. » Il le déploya aussitôt ; le portrait, qui n’était instruit que pour parler à la princesse, dit : « Belle Désirée, vous ne pouvez imaginer avec quelle ardeur je vous attends ; venez bientôt dans notre cour l’orner des grâces qui vous rendent incomparable. » Le portrait ne dit plus rien ; le roi et la reine demeurèrent si surpris, qu’ils prièrent Becafigue de le leur donner pour le porter à la princesse ; il en fut ravi, et le remit entre leurs mains.

La reine n’avait point parlé jusqu’alors à sa fille de ce qui se passait ; elle avait même défendu aux dames qui étaient auprès d’elle de lui rien dire de l’arrivée de l’ambassadeur : elles ne lui avaient pas obéi, et la princesse savait qu’il s’agissait d’un grand mariage ; mais elle était si prudente, qu’elle n’en avait rien témoigné à sa mère. Quand elle lui montra le portrait du prince, qui parlait, et qui lui fit un compliment aussi tendre que galant, elle en fut fort surprise : car elle n’avait rien vu d’égal à cela, et la bonne