Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/257

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jours ? Si pour tels inconvénients les princes renvoyaient leurs fiancées, peu se marieraient. »

Le roi et le prince, transportés de colère, ne daignèrent pas lui répondre : ils remontèrent chacun dans leur litière, et, sans autre cérémonie, un garde du corps mit la princesse en trousse derrière lui, et la dame d’honneur fut traitée de même. On les mena dans la ville ; par ordre du roi, elles furent enfermées dans le château des Trois-Pointes.

Le prince Guerrier avait été si accablé du coup qui venait de le frapper, que son affliction s’était toute renfermée dans son cœur. Lorsqu’il eut assez de force pour se plaindre, que ne dit-il pas sur sa cruelle destinée ! Il était toujours amoureux, et n’avait pour tout objet de sa passion qu’un portrait. Ses espérances ne subsistaient plus, toutes les idées si charmantes qu’il s’était faites sur la princesse Désirée se trouvaient échouées ; il aurait mieux aimé mourir que d’épouser celle qu’il prenait pour elle ; enfin, jamais désespoir n’a été égal au sien : il ne pouvait plus souffrir la cour, et il résolut, dès que sa santé put le lui permettre, de s’en aller secrètement, et de se rendre dans quelque lieu solitaire pour y passer le reste de sa triste vie.

Il ne communiqua son dessein qu’au fidèle Becafigue : il était bien persuadé qu’il le suivrait partout, et il le choisit pour parler avec lui plus souvent qu’avec un autre du mauvais tour qu’on lui avait joué. À peine commença-t-il à se porter mieux qu’il partit, et laissa une grande lettre pour le roi sur la table de son cabinet, l’assurant qu’aussitôt que son esprit serait un peu tranquillisé, il reviendrait auprès de lui ; mais qu’il le suppliait, en attendant, de penser à leur