Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/259

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La faim pressant Désirée, elle brouta l’herbe de bon appétit, et demeura surprise que cela pût être. Ensuite elle se coucha sur la mousse ; la nuit la surprit : elle la passa avec des frayeurs inconcevables. Elle entendait les bêtes féroces proche d’elle ; et souvent, oubliant qu’elle était biche, elle essayait de grimper sur un arbre. La clarté du jour la rassura un peu, elle admirait sa beauté, et le soleil lui paraissait quelque chose de si merveilleux qu’elle ne se lassait point de le regarder ; tout ce qu’elle en avait entendu dire lui semblait fort au-dessous de ce qu’elle voyait : c’était l’unique consolation qu’elle pouvait trouver dans un lieu si désert. Elle y resta toute seule pendant plusieurs jours.

La fée Tulipe, qui avait toujours aimé cette princesse, ressentait vivement son malheur ; mais elle avait un véritable dépit que la reine et elle eussent fait si peu de cas de ses avis, car elle leur avait dit plusieurs fois que si la princesse partait avant que d’avoir quinze ans, elle s’en trouverait mal ; cependant elle ne voulait point l’abandonner aux furies de la fée de la fontaine, et ce fut elle qui conduisit les pas de Giroflée vers la forêt, afin que cette nouvelle confidente pût la consoler dans sa disgrâce.

Cette belle biche passait doucement le long d’un ruisseau, quand Giroflée, qui ne pouvait presque marcher, se coucha pour se reposer. Elle rêvait tristement de quel côté elle pourrait aller pour trouver sa chère princesse. Lorsque la biche l’aperçut, elle franchit tout d’un coup le ruisseau, qui était large et profond, elle vint se jeter sur Giroflée et lui faire mille caresses. Elle en demeura surprise : elle ne savait si les bêtes de ce canton avaient quelque amitié particulière pour les hommes, qui les rendit humaines, ou si elle