Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/268

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die, elle s’approcha encore davantage ; elle le touchait, lorsqu’il s’éveilla.

Sa surprise parut extrême ; il reconnut la même biche qui lui avait donné tant d’exercice, et qu’il avait cherchée longtemps ; mais la trouver si familière lui paraissait une chose rare. Elle n’attendit pas qu’il eût essayé de la prendre : elle s’enfuit de toute sa force, et il la suivit de toute la sienne. De temps en temps ils s’arrêtaient pour reprendre haleine, car la belle biche était encore lasse d’avoir couru la veille, et le prince ne l’était pas moins qu’elle ; mais ce qui ralentissait le plus la fuite de Bichette, hélas ! faut-il le dire ? c’était la peine de s’éloigner de celui qui l’avait plus blessée par son mérite que par les traits qu’il tirait sur elle. Il la voyait très souvent qui tournait la tête sur lui, comme pour lui demander s’il voulait qu’elle pérît sous ses coups, et, lorsqu’il était sur le point de la joindre, elle faisait de nouveaux efforts pour se sauver. « Ah ! si tu pouvais m’entendre, petite biche, lui criait-il, tu ne m’éviterais pas : je t’aime, je veux te nourrir ; tu es charmante, j’aurai soin de toi. » L’air emportait ses paroles, elles n’allaient point jusqu’à elle.

Enfin, après avoir fait tout le tour de la forêt, notre biche, ne pouvant plus courir, ralentit ses pas, et le prince, redoublant les siens, la joignit avec une joie dont il ne croyait plus être capable. Il vit bien qu’elle avait perdu toutes ses forces : elle était couchée comme une pauvre petite bête demi-morte, et elle n’attendait que de voir finir sa vie par les mains de son vainqueur ; mais, au lieu de lui être cruel, il se mit à la caresser. « Belle biche, lui dit-il, n’aie point de peur, je veux t’emmener avec moi, et que tu me