Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/272

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Hélas ! qui aurait pu penser que la plus belle princesse du monde serait un jour traitée ainsi par un prince qui l’adorait ? Elle essaya inutilement d’arracher les rubans ; ses efforts les nouèrent plus serré, et elle était prête de s’étrangler avec un nœud coulant qu’il avait malheureusement fait, lorsque Giroflée, lasse d’être toujours enfermée dans sa chambre, sortit pour prendre l’air, et passa dans le lieu où était la biche blanche qui se débattait. Que devint-elle quand elle aperçut sa chère maîtresse ! Elle ne pouvait se hâter assez de la défaire ; les rubans étaient noués par différents endroits ; enfin le prince arriva avec Becafigue comme elle allait emmener la biche.

« Quelque respect que j’aie pour vous, Madame, lui dit le prince, permettez-moi de m’opposer au larcin que vous voulez me faire : j’ai blessé cette biche, elle est à moi, je l’aime, je vous supplie de m’en laisser le maître. — Seigneur, répliqua civilement Giroflée (car elle était bien faite et gracieuse), la biche que voici est à moi avant que d’être à vous ; je renoncerais plutôt à ma vie qu’à elle ; et, si vous voulez voir comme elle me connaît, je ne vous demande que de lui donner un peu de liberté. « Allons, ma petite Blanche, dit-elle, embrassez-moi. » Bichette se jeta à son cou. « Baisez-moi la joue droite. » Elle obéit. « Touchez mon cœur. » Elle y porta le pied. « Soupirez. » Elle soupira. Il ne fut plus permis au prince de douter de ce que Giroflée lui disait. « Je vous la rends, lui dit-il honnêtement ; mais j’avoue que ce n’est pas sans chagrin. » Elle s’en alla aussitôt avec sa biche.

Elles ignoraient que le prince demeurait dans leur maison ; il les suivait d’assez loin, et demeura surpris de les voir