Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/274

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« Laisse-moi mourir, disait la princesse, la mort me sera plus douce que la déplorable vie que je mène. Quoi ! être biche tout le jour, voir celui à qui je suis destinée sans lui parler, sans lui apprendre ma fatale aventure ! Hélas ! si tu savais tout ce qu’il m’a dit de touchant sous ma métamorphose, quel ton de voix il a, quelles manières nobles et engageantes, tu me plaindrais encore plus que tu ne fais de n’être point en état de l’éclaircir de ma destinée. »

L’on peut assez juger de l’étonnement de Becafigue par tout ce qu’il venait de voir et d’entendre ; il courut vers le prince, il l’arracha de la fenêtre avec des transports de joie inexprimables. « Ah ! seigneur, lui dit-il, ne différez pas de vous approcher de cette cloison, vous verrez le véritable original du portrait qui vous a charmé. » Le prince regarda, et reconnut aussitôt sa princesse ; il serait mort de plaisir, sans qu’il craignit d’être déçu par quelque enchantement : car enfin comme quoi accommoder une rencontre si surprenante avec Longue-Épine et sa mère, qui étaient renfermées dans le château des Trois-Pointes, et qui prenaient le nom l’une de Désirée, et l’autre de sa dame d’honneur ?

Cependant sa passion le flattait : l’on a un penchant naturel à se persuader ce que l’on souhaite ; et, dans une telle occasion, il fallait mourir d’impatience ou s’éclaircir. Il alla, sans différer, frapper doucement à la porte de la chambre où était la princesse. Giroflée, ne doutant pas que ce ne fût la bonne vieille et ayant même besoin de son secours pour lui aider à bander le bras de sa maîtresse, se hâta d’ouvrir, et demeura bien surprise de voir le prince, qui vint se jeter aux pieds de Désirée. Les transports qui l’animaient lui permirent si peu de faire un discours suivi que, quelque soin que j’aie