Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/306

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cria la reine, parlez, je vous donne mes royaumes, mon cœur, mon âme : pourvu que j’aie des fruits, je ne saurais les acheter trop cher. — Nous voulons, dit-elle, que ta Majesté nous donne la fille que tu portes dans ton sein ; dès qu’elle sera née, nous la viendrons quérir ; elle sera nourrie parmi nous, il n’y a point de vertus, de beautés, de sciences, dont nous ne la douïons : en un mot, ce sera notre enfant, nous la rendrons heureuse ; mais observe que ta Majesté ne la reverra plus qu’elle ne soit mariée. Si la proposition t’agrée, je vais tout à l’heure te guérir et mener dans nos vergers ; malgré la nuit, tu verras assez clair pour choisir ce que tu voudras. Si ce que je te dis ne te plaît pas, bonsoir, madame la reine, je vais dormir. — Quelque dure que soit la loi que vous m’imposez, répondit la reine, je l’accepte plutôt que de mourir, car il est certain que je n’ai pas un jour à vivre ; ainsi je perdrais mon enfant en me perdant. Guérissez-moi, savante fée, continua-t-elle, et ne me laissez pas un moment sans jouir du privilège que vous venez de m’accorder. »

« La fée la toucha avec une petite baguette d’or, en disant : « Que ta Majesté soit quitte de tous les maux qui la retiennent dans ce lit. » Il lui sembla aussitôt qu’on lui ôtait une robe fort pesante et fort dure dont elle se sentait comme accablée, et qu’il y avait des endroits où elle tenait davantage. C’étaient apparemment ceux où le mal étaient le plus grand. Elle fit appeler toutes ses dames, et leur dit avec un visage gai qu’elle se portait à merveille, qu’elle allait se lever, et qu’enfin ces portes si bien verrouillées et si bien barricadées du palais de féerie lui seraient ouvertes pour