Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/340

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repos, sans se renvoyer mon nom les uns aux autres, comme autant d’échos ; et que, quand la princesse sera dans l’état que vous la souhaitez, il lui sera permis de choisir tel époux qu’il lui plaira. »

Le calife lui en donna sa parole ; et le sénéchal, qui aimait à travailler, lui en expédia des lettres patentes.

On était en peine de la manière dont il s’y prendrait pour peindre un visage qu’on ne pouvait regarder sans en mourir : on en fut bientôt éclairci.

C’était un homme qui avait beaucoup voyagé, et qui trouva, dans les curieuses remarques qu’il avait faites sur chaque pays, que dans celui des éclipses les gens du pays ne faisaient que teindre un morceau de verre de quelque couleur sombre pour regarder impunément le soleil.

Il se fit, sur cette idée, des lunettes d’un verre fort obscur ; et, les ayant essayées contre le soleil en plein midi, il se rendit chez Luisante avec ce qu’il fallait pour la peindre.

Cette témérité la surprit ; et, pour l’en punir, elle ouvrit tant qu’elle put ses beaux yeux : mais ce fut en vain ; car, après avoir examiné toutes les merveilles de sa beauté à l’abri de ses lunettes, il se mit à la peindre.

Personne, dans cet art, ne le surpassait, quoiqu’il n’en fit pas profession. Son goût était de la dernière délicatesse pour tout ; mais personne ne se connaissait si bien en beauté ; cependant celle de Luisante ne fit point dans son cœur le progrès qu’il avait cru. Sa taille était moins parfaite que son visage ; cela le garantit quelque temps ; mais il fallut céder à la fin : ce fut alors qu’il mit en usage tout l’agrément de son esprit pour lui plaire. Elle ne fut pas insensible aux louanges qu’il donnait à sa beauté, tandis que, sous pré-