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Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/372

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ceinte couvre les limites du bienheureux Cachemire. Sonnante y grimpa comme si elle eût marché en rase campagne, et ne fatigua pas plus ceux qu’elle portait qu’elle n’avait fait dans la plaine. Dès qu’ils furent au sommet, l’air leur parut embaumé de tous les parfums d’Arabie ; et, de quelque côté que leur vue s’étendît, un parterre continuel semblait s’offrir à leurs yeux, avec tous les agréments d’une variété délicieuse. Fleur d’Épine fut bien aise de s’y arrêter un moment ; et, tandis qu’elle se perdait dans la contemplation de tant de merveilles, le démon de la jalousie, qui se fourre partout, vint troubler son attention.

« Quoi ! dit-elle, Luisante est héritière de tout ce que je vois ! Luisante, plus précieuse encore que tous ces trésors, et plus brillante que toutes les beautés que la nature étale ici, les doit porter à celui qu’elle choisira pour époux ! et il pourrait y avoir quelqu’un qui refusât sa main pour Fleur d’Épine ! Ah, Tarare ! s’il est vrai que votre constance, ou plutôt votre aveuglement pour moi, soit à l’épreuve de ce que je crains, rassurez-moi, s’il est possible, avant que nous descendions dans ces lieux enchantés ; ou laissez-moi chercher, au travers des précipices d’où nous venons, une destinée plus supportable que celle de vous voir à Luisante ! »

Un autre se serait peut-être impatienté d’une inquiétude qui ne devait pas sitôt la reprendre après ce qu’il venait de lui dire ; mais Fleur d’Épine était encore plus charmante qu’elle n’était tendre et délicate, et Tarare l’aimait passionnément. Il était si éloigné de s’en rebuter, que ces mouvements d’inquiétude auraient été la joie de son cœur, s’ils n’avaient un peu trop coûté au repos de ce qu’il aimait ; et, pour tâcher de l’en guérir : « Belle Fleur d’Épine, dit-il, je ne