Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/379

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secrets qui menaçaient son cœur de quelque malheur. Elle fit ce qu’elle put pour les supprimer devant Tarare ; et ce ne fut pas un médiocre effort que de paraître tranquille, en approchant d’une ville où Luisante n’attendait que Tarare pour en recevoir le remède à tant de maux, et peut-être pour lui en offrir la récompense.

Ils arrivèrent enfin, et furent reçus comme en triomphe : tout retentissait d’acclamations, et ces acclamations élevaient la gloire de Tarare jusqu’aux cieux. On ne douta point qu’un homme qui venait d’achever si glorieusement une entreprise commencée pour le bien public, et pour le service de la princesse, n’apportât le remède à tous leurs maux : et il en était temps. Le bon calife, depuis son départ, s’étant amusé trop longtemps un jour auprès de sa fille, avait laissé tomber ses lunettes ; et les beaux yeux qui tenaient de lui le jour lui en avaient ôté la lumière. Le sénéchal, de tous les ministres le plus loyal, en était mort d’affliction ; sa femme s’en était consolée par sa nouvelle faveur auprès de la princesse : elle était si grande, qu’elle ne tuait plus personne de ses regards que par son conseil.

Voilà bien du changement à la cour ; mais ce n’était pas tout. Il était arrivé, par malheur, une certaine More depuis peu, qui gouvernait la sénéchale par les charmes insinuants de son esprit, comme la sénéchale gouvernait la princesse par les charmes d’un perroquet qui garantissait ceux qui le tenaient du danger de ses yeux.

Le conseil fut assemblé sur l’arrivée de Tarare ; et le calife, qui n’avait jamais vu bien clair dans ses affaires, était moins en état de s’en mêler que jamais. Il voulut embrasser celui qu’il ne pouvait voir. Les uns proposèrent de lui éle-