Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/383

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Enfin, les plus belles couleurs du monde furent converties en une triste pâleur, à laquelle on vit succéder un jaune mêlé de vert qui la rendait méconnaissable à ses propres yeux : une maigreur universelle effaçant la plus belle gorge du monde, la taille la plus parfaite qui fut jamais fut changée en squelette.

Pendant que la pauvre Fleur d’Épine se voyait dans un état si déplorable, la sénéchale en triomphait. Sa confidente lui avait fait concevoir que le plaisir de la voir méprisée pour sa figure serait plus doux que de la voir pleurée au retour de son amant ; et c’était ce supplice, qu’ils jugèrent plus grand pour elle, qui lui avait sauvé la vie.

Cependant au palais on ne voyait plus la princesse, car on ne la pouvait regarder sans être muni de son perroquet ; mais elle en était devenue si folle, qu’elle ne voulut plus que personne le tînt. On disait des merveilles de la beauté de cet oiseau, peu de chose de son esprit, car il ne parlait guère, et, quand cela lui arrivait, il répondait tout de travers ; mais il avait de la grâce dans l’action et de la politesse dans les manières.

L’impatience de Tarare raccourcit son voyage ; il revint qu’on ne le croyait pas encore à moitié chemin, et il rapportait le remède aux maux que causaient les plus beaux yeux du monde.

Le peuple le suivit en foule jusqu’à l’appartement de Luisante ; mais personne ne le suivit lorsqu’il y entra.

Il portait une fiole grande comme les plus grands verres ; elle était faite d’un seul diamant, et contenait une liqueur si brillante, que les yeux éblouissants de la princesse en furent eux-mêmes si éblouis, qu’elle les ferma.