Aller au contenu

Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/391

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bouche avec transport sur la main froide et décharnée de sa maîtresse, il l’arrosa d’un torrent de larmes.

Cette action retint une vie prête à s’échapper ; elle ouvrit faiblement les yeux, et vit à ses pieds l’homme du monde qu’elle souhaitait le plus ardemment et qu’elle craignait le plus de voir, celui seul qui pouvait lui faire regretter la vie ou souhaiter la mort.

Les choses qu’ils se dirent auraient attendri ce qu’il y a de plus sauvage. Il protestait de tout son cœur qu’il ne l’aimait pas moins qu’il avait fait dans tout l’éclat de sa première fraîcheur ; que si sa figure toute charmante avait été le premier objet de son engagement, son esprit, sa douceur et toutes ses manières avaient fait une impression plus vive et plus durable dans son cœur que toutes celles des attraits les plus brillants, telle enfin que la mort seule pouvait l’effacer.

Elle pleura de tendresse et de joie, lui serra la main pour la première fois de sa vie, parce qu’elle crut que ce serait la dernière ; et, si ce fut faiblement, ce fut au moins de tout son cœur. Elle lui témoigna qu’après tant de marques sincères d’une constance si rare, elle mourait contente, et crut le faire comme elle le disait.

L’impertinente sénéchale arriva pour interrompre une conversation si touchante : toute sa jalousie se réveilla lorsqu’elle vit Tarare aux pieds d’une créature qu’elle avait cru lui devoir faire peur. Elle revenait de la cour ; elle y avait été informée du dessein de la princesse pour Tarare, et des transports du calife en publiant ce mariage : elle ne manqua pas de lui en faire son compliment en présence de la mourante Fleur d’Épine.

C’était bien pour l’achever : cependant ce mouvement