Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/395

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de sa figure. Elle demanda Tarare : on le fit venir ; car tout obéissait dès qu’elle avait parlé. Il ne fut pas plus tôt arrivé, que le beau perroquet fit un grand cri et battit des ailes. Tarare le reconnut pour cet oiseau qu’il avait rencontré en allant chercher la sorcière Dentue ; mais, dans la douleur où il était encore abîmé, il n’y fit pas grande attention : il ignorait ce qui venait de se passer. Ce fut alors que Serène, le regardant avec indignation : « Malheureux, lui dit-elle, comment oses-tu paraître devant mes yeux, toi qui m’avais, au péril de ta vie, répondu de celle de ma chère Fleur d’Épine ? C’était donc peu pour ta perfidie de consentir au venin cruel qui, après une langueur mortelle, l’avait rendue effroyable ! Tu l’abandonnes lâchement à d’impitoyables ennemis, et aux flammes toutes prêtes à dévorer ce qui restait de l’innocente Fleur d’Épine ; et tu ne l’abandonnes d’une manière si barbare que pour signaler ta perfidie aux yeux pour qui tu l’as trahie ! »

Tarare fut aussi peu ému de cette longue tirade de reproches que si on les eût adressés à quelque autre : il n’était rempli que de la mort de Fleur d’Épine, et son esprit apparemment était allé faire un tour où il croyait trouver son ombre. Mais la magicienne, qui ne l’éprouvait que pour le faire triompher, lui adressant encore la parole : « Va, dit-elle, recevoir le prix que les destinées te réservent, malgré la noirceur de ton infidélité ; c’est une récompense que ton courage et ta fermeté méritent, pour avoir mis à fin la plus difficile et la plus téméraire des entreprises. Et vous, princesse, dit-elle à Luisante, choisissez, ou plutôt prenez maintenant votre époux : Tarare ne vous fut pas indifférent avant que d’avoir tant osé pour votre service ; tout parle pour lui : je vous