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Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/430

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sonnette dans un lieu où la situation était extrêmement agréable. Tout ce qu’elle put faire fut d’acheter un petit troupeau dont le lait servait à sa nourriture et la toison pour se vêtir.

À peine fut-elle quelque temps de la sorte, qu’elle se trouva heureuse. « Il est donc un état dans la vie où l’on peut être contente, disait-elle, et, par le choix que j’ai fait, je n’ai plus rien à désirer. » Elle allait tous les jours filant sa quenouille, et conduisant son petit troupeau ; elle aurait bien souhaité quelquefois d’avoir de la compagnie, mais elle en craignait le danger.

Elle s’était insensiblement accoutumée à la vie qu’elle menait, quand un jour, voulant ramasser son troupeau, il se mit à se répandre par la campagne et à la fuir. Il la fuit en effet si bien, qu’en peu de temps elle ne vit plus un seul de ses moutons. « Suis-je un loup ravisseur ? s’écria-t-elle ; que veut dire cette merveille ? » Et appelant sa brebis la mieux aimée, elle ne reconnut plus sa voix ; elle courut après. « Je me consolerai de perdre tout le troupeau, lui disait-elle, pourvu que tu me demeures. » Mais l’ingrate le fut jusqu’au bout, elle s’en alla avec le reste.

La bonne femme fut très affligée de la perte qu’elle avait faite. « Je n’ai plus rien, s’écriait-elle ; encore peut-être que je ne trouverai pas mon jardin et que ma petite maison ne sera plus à sa place. »

Elle s’en retourna tout doucement, car elle était bien lasse de la course qu’elle avait faite : des fruits et des légumes la soutinrent quelque temps avec une provision de fromage.

Elle commençait à voir la fin de toutes ces choses. « Fortune, disait-elle, tu as beau me chercher pour me persécuter,