Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/472

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et le roi, n’ayant plus rien à dire, retourna dans son cabinet faire un cent de piquet avec son sénéchal.

Pendant que tout ceci se passait chez le roi Pétaud, la reine sa mère, se lassant d’un veuvage qui durait depuis longtemps, résolut de se remarier ; pour cet effet, elle jeta les yeux sur un jeune prince, voisin de son royaume et souverain des Îles-Vertes ; il était beau, bien fait, et son esprit avait autant de grâce que sa personne ; ses plaisirs étaient son unique occupation ; il n’était bruit que de ses galanteries, et l’on assurait qu’aucune jolie femme de son royaume ne lui avait résisté.

La réputation avantageuse et le portrait de ce prince tournèrent si bien la tête de la reine, qu’elle se flatta de s’en faire aimer et de fixer son inconstance. Il n’y avait qu’une difficulté, c’est qu’elle n’était ni jeune ni aimable ; elle avait la taille haute et maigre, les yeux petits, le nez long et pendant, la bouche fort grande et passablement de barbe. Une pareille figure pouvait être avantageuse à une reine pour en imposer ; mais elle était peu propre à inspirer de l’amour. On ne saurait tout à fait s’aveugler sur ses défauts lorsqu’ils sont marqués à un certain point : elle sentit, dans des moments de réflexion, qu’en l’état où elle était, il lui serait impossible de plaire au jeune roi des Îles-Vertes, et que pour y réussir il fallait avoir de la beauté, ou tout au moins de la jeunesse ; mais comment y parvenir, et comment changer des cheveux gris et des traits honnêtes en une figure aimable, en grâces enfantines, ou en mines agaçantes ? Il est vrai que Gangan, son amie, lui aurait été d’un grand secours dans cette occasion, si cette fée ne l’eût pas plusieurs fois pressée inutilement d’adopter sa nièce, et de la désigner