Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/492

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chit, sans être vue, les obstacles qui auraient pu, sans cela, s’opposer à son passage.

Gangan, pour interdire aux génies et aux fées l’entrée de son île, l’avait environnée d’une triple enceinte, formée par un torrent rapide qui roulait avec ses eaux des rochers et des troncs d’arbres. Les bords de cette île étaient défendus par vingt-quatre dragons d’une énorme grandeur ; et les flammes qu’ils vomissaient à la vue des fées ou des génies s’élevaient jusqu’aux nues, et formaient, en se réunissant, un mur de feu impénétrable.

Il y avait à peine une heure que la Fée des champs cherchait à s’instruire, sans être vue, du sort de Cadichon, lorsque le hasard lui fournit l’occasion la plus favorable : elle vit venir à elle Gangan, accompagnée d’une dive (car elle n’était servie que par des génies malfaisants) ; son visage lui parut enflammé de colère, et elle parlait avec beaucoup d’action. La Fée des champs, profitant de son invisibilité, résolut d’écouter, et entendit Gangan tenir à peu près ce discours à sa compagne :

« Oui, ma chère Barbarec, tu me vois au désespoir ; je perds pour jamais le plus grand royaume de l’univers ; l’ingrate mère de Pétaud est morte sans avoir jamais voulu se raccommoder avec moi. Ce n’est pas tout : elle a encore engagé ses sujets par serment à ne jamais recevoir de ma main aucun successeur, et à rendre même sa couronne à son fils ou à l’un de ses petits-fils. J’ai tâché de regagner les peuples par mes bienfaits, mais j’ai trouvé contre moi une haine invétérée : ils ont refusé mes dons, ils les ont regardés comme autant de perfidies et de trahisons, et, par une délibération unanime et authentique de suivre les intentions