Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/509

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heur : c’est une si bonne fille ! elle parlait aux pauvres gens avec tant de bonté ! elle était si douce, si honnête ! » Il y eut même plusieurs gentilshommes qui voulurent l’épouser, quoiqu’elle n’eut pas un sou ; mais elle leur dit qu’elle ne pouvait se résoudre à abandonner son pauvre père dans son malheur, et qu’elle le suivrait à la campagne pour le consoler et lui aider à travailler.

La pauvre Belle avait été bien affligée de perdre sa fortune ; mais elle s’était dit à elle-même : « Quand je pleurerais, mes larmes ne me rendront pas mon bien ; il faut tâcher d’être heureuse sans fortune. »

Quand ils furent arrivés à leur maison de campagne, le marchand et ses trois fils s’occupèrent à labourer la terre. La Belle se levait à quatre heures du matin, et se dépêchait de nettoyer la maison et d’apprêter à dîner pour la famille. Elle eut d’abord beaucoup de peine, car elle n’était pas accoutumée à travailler comme une servante ; mais, au bout de deux mois, elle devint plus forte, et la fatigue lui donna une santé parfaite. Quand elle avait fait son ouvrage, elle lisait, elle jouait du clavecin, ou bien elle chantait en filant. Ses deux sœurs, au contraire, s’ennuyaient à la mort ; elles se levaient à dix heures du matin, se promenaient toute la journée, et s’amusaient à regretter leurs beaux habits et les compagnies : « Voyez notre cadette, disaient-elles entre elles ; elle a l’âme si basse et si stupide, qu’elle est contente de sa malheureuse situation. »

Le bon marchand ne pensait pas comme ses filles ; il savait que la Belle était plus propre à briller dans les compagnies ; il admirait la vertu de cette jeune fille, surtout sa patience ; car ses sœurs, non contentes de lui laisser faire