Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/538

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honneur ; c’est un étourdi qui se fera tuer, et alors nous aurons le plaisir de laisser la couronne à Mirtil. » Le roi trouva cette invention admirable : il fit revenir Tity de la campagne, et le nomma généralissime de ses troupes ; et, pour qu’il eût plus d’occasions d’exposer sa vie, il lui donna aussi plein pouvoir de faire la guerre ou la paix.

Tity étant arrivé sur les frontières du royaume de son père, résolut d’attendre l’ennemi, et s’occupa à faire bâtir une forteresse dans un petit passage par lequel il fallait entrer. Un jour qu’il regardait travailler les soldats, il eut soif ; et, voyant une maison sur une montagne voisine, il y monta pour demander à boire : le maître de la maison, qui se nommait Abor, lui donna de l’eau et du vin ; comme le prince allait se retirer, il vit entrer une fille si belle, qu’il en fut ébloui : c’était Biby, fille d’Abor ; et le prince, charmé de cette belle fille, retourna souvent à cette maison sous divers prétextes. Il causait chaque fois avec Biby, et, trouvant qu’elle était fort sage et qu’elle avait beaucoup d’esprit, il disait en lui-même : « Si j’étais mon maître, j’épouserais Biby ; elle n’est pas née princesse, mais elle a tant de vertus, qu’elle est digne de devenir reine. »

Tous les jours il l’aimait davantage, et enfin il prit la résolution de lui écrire. Biby, qui savait bien qu’une honnête fille ne reçoit point de lettres des hommes, porta celle du prince à son père, sans l’avoir décachetée. Abor, voyant que le prince était amoureux de sa fille, demanda à Biby si elle aimait Tity. Biby, qui n’avait jamais menti de sa vie, dit à son père que le prince lui avait paru si honnête homme, qu’elle n’avait pu s’empêcher de l’aimer : « Mais, ajouta-t-elle, je sais bien qu’il ne peut m’épouser, parce que je ne suis qu’une bergère ;