Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les vicissitudes du goût public, des mobilités et des brutalités qui participent des mouvements populaires, dont il est prudent de se méfier, qu’il est sage de modérer. Les contes de Mlle L’Héritier, de Mmes de Murat et d’Auneuil, de Mlle de la Force, surtout de Mme d’Aulnoy, la fille dégénérée, mais la plus digne ou la moins indigne héritière de Perrault, ces contes, si vantés un moment, et bientôt si discrédités, n’ont mérité ni cet excès d’honneur ni cette indignité. Hamilton, en somme, n’a pu se moquer d’eux, railler leurs longs détours et leurs labyrinthes puérils qu’en les imitant, et, sauf Fleur d’Épine, il n’a fait guère mieux. Il ne s’est tiré du danger, préservé de l’affront d’être confondu avec les auteurs qu’il contrefaisait, qu’il singeait, qu’il parodiait, que par ce don et cet art du récit et du style qui mettent de suite hors de pair et à l’écart un homme en bonne fortune, en débauche d’esprit, qui s’est fourvoyé en médiocre, sinon en mauvaise compagnie.

Nous n’avons point ici à entrer dans le détail des œuvres dont nous venons de citer les auteurs, nous dirions aujourd’hui tes authoress, car, nous le répétons, dès Perrault, le genre favori des enfants va aux femmes, revient au sexe auquel nous devons les mères et les fées, et tombe ou plutôt retombe en quenouille. Ce qui caractérise cette phase de décadence, de déclin de la littérature féerique, c’est la disproportion entre le double élément, l’imitation et l’invention, la tradition et la nouveauté, que Perrault avait su employer, combiner jusqu’à ce point exquis où la traduction est une création et où la copie devient un original.

Mlle L’Héritier, Mme de Murat, Mlle de la Force, Mme d’Aulnoy, abandonnent la route tracée par Perrault et s’égarent dans les chemins de traverse, goûtant trop, pour le donner à leurs lecteurs, le plaisir d’aller sans savoir où. Leurs personnages ne sont plus que des calques, diminués de valeur, bien qu’exagérés de proportions, des héros de Perrault, Ils ont perdu la physionomie typique. Elles les multiplient avec une fécondité d’imagination d’autant plus facile qu’elle se contente des apparences de la vie. Le conte de fées perd son caractère féerique, en dépit de tout ce fantastique postiche, de toute celle fantasmagorie de convention. On a le plus souvent un roman, un récit d’aventures plus galantes que dramatiques avec les enchevêtrements d’épisodes accessoires, incidents, parasites, les lettres et les petits vers qui sont l’écueil