Page:Leskov - Le Voyageur enchanté.djvu/197

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beauté pouvait rester rêveur devant un pareil animal. Cette jument m’avait tellement donné dans l’œil que, pour la contempler tout à mon aise, je ne sortais plus de l’écurie. Je lui prodiguais les caresses, je la pansais de mes propres mains, je l’essuyais tout entière avec un mouchoir blanc pour qu’il n’y eût pas sur sa robe le plus petit grain de poussière, je la baisais même sur le front, à l’endroit où se séparaient ses poils dorés… Dans ce temps-là, deux foires sollicitaient simultanément notre attention, ce qui fut cause que le prince et moi nous nous quittâmes. Il se rendit à la foire de K…, tandis que je suivais celle de L… Et tout d’un coup je reçus une lettre de lui : « Envoie-moi ici tels et tels chevaux », m’écrivait-il. Dans le nombre il nommait Didon. Je ne savais pas pourquoi il demandait cette superbe bête dont la vue réjouissait mon œil d’amateur, mais naturellement je supposai qu’il l’avait ou troquée contre un autre cheval ou vendue, ou, chose plus probable encore, perdue au jeu… Je confiai Didon aux palefre-