Page:Leskov - Le Voyageur enchanté.djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cœur jaloux ne peut la souffrir, je la tuerai et je me tuerai moi-même.

— À quoi penses-tu ? fais le signe de la croix : tu as été baptisée : qu’adviendra-t-il de ton âme ?

— N-n-n-on, répliqua-t-elle, — je ne m’inquiète pas de mon âme ; qu’elle aille en enfer ! Elle y sera moins malheureuse qu’ici !

Je vois que cette femme est hors d’elle-même, en proie au délire le plus violent ; je lui prends les mains et je les tiens dans les miennes, mais, en l’examinant, je suis saisi du changement terrible qui s’est opéré en elle. Toute sa beauté a disparu ; il semble même qu’il ne reste rien de son visage où l’on aperçoit seulement les yeux : au milieu de cette face sombre ils flamboient comme ceux d’un loup dans la nuit, on dirait qu’ils sont devenus deux fois plus grands qu’auparavant ; sa taille s’est épaissie parce qu’elle approche de son terme, mais sa figure n’est pas plus grosse que le poing, et ses boucles noires s’échevèlent sur ses joues. J’observe com-