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Page:Lespérance - Les Bastonnais, 1896.djvu/168

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les bastonnais

Ayant ainsi soulagé son esprit par cet acte de magnanimité, il se jeta sur un canapé et s’endormit bientôt. Le soleil était déjà haut et il dardait ses rayons dans la chambre sans toutefois troubler le sommeil du marin qui reposait aussi tranquillement que s’il n’avait pas eu à lutter pour sa liberté et pour sa vie. Il était midi quand il s’éveilla. Il s’assit sur le bord de sa couche et quelques secondes s’écoulèrent avant que le souvenir de l’événement lui revînt à l’esprit. À cette pensée, il dit simplement :

« Je vais aller voir mon ami Belmont. »

Pendant tout ce temps, chez M. Belmont, l’affaire avait fait quelque progrès.

Batoche s’y était introduit après avoir congédié ses complices et sans déranger en aucune façon les occupants de la maison, il était entré à l’aide d’une clef que lui avait donnée son ami.

Il était allé se coucher aussitôt et il était onze heures du matin quand il se leva. Son premier soin fut de rechercher la présence de M. Belmont. Il lui raconta la conversation qu’il avait eue avec le seigneur Sarpy et la part étrange qu’y avait prise Zulma. M. Belmont écouta ce rapport avec autant de surprise que d’appréhension. Quand Batoche, continuant son récit, en vint à décrire l’aventure de la nuit précédente, il devint tout à fait alarmé.

— Ceci est terrible, Batoche, dit-il.

Le vieux soldat fit ce qui était tout à fait inusité chez lui : il sourit.

— Il n’y a rien de terrible, Monsieur. Même si Bouchette avait été fait prisonnier, cela n’aurait eu rien de terrible. Bouchette n’est pas un personnage si important, et d’ailleurs nos hommes ne craignent pas les représailles. Ils sont fort capables de prendre soin d’eux-mêmes. Mais j’avais promis à Zulma que cet homme ne serait pas molesté et j’ai simplement tenu ma promesse. J’ai failli arriver trop tard. Il était bien plus de minuit quand je suis arrivé en ville après un voyage fatigant de la Pointe-aux-Trembles. J’étais complètement renseigné sur le bal, naturellement, et je savais que Bouchette y serait. Notre plan était de nous emparer de lui à son retour au château.

Tout se passa comme nous l’avions prévu. Nos hommes firent leur besogne à la perfection. Ils se conduisirent bravement et avec intelligence. C’était vraiment dommage de gâter leur succès.

— Étiez-vous arrivé sur la scène, à l’avance ?

— Oui, quelques minutes avant l’attaque.

— Alors, pourquoi ne l’avez-vous pas empêchée complètement.

— Je n’ai pas eu le cœur de le faire. Je voulais accorder à mes