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Page:Lespérance - Les Bastonnais, 1896.djvu/176

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les bastonnais

chette était encore tout récent. Le temps, d’ailleurs, contribuait peut-être à l’air de bonheur qui régnait dans la maison. Le soleil brillait, le vent était tombé et la neige, sèche et friable, couvrait les rues, invitant à la promenade.

Hardinge se présenta vers midi pour demander à Pauline de faire avec lui une petite promenade.

«  J’ai une couple d’heures à ma disposition, ce qui peut bien ne pas arriver tous les jours, et un petit tour de promenade nous fera du bien à tous deux, » dit-il.

Pauline fut bientôt prête, avec le consentement cordial de son père.

Après avoir erré au hasard par les rues pendant quelque temps et s’être arrêtés plusieurs fois pour causer avec des amis qu’ils rencontraient, les jeunes gens se dirigèrent vers le Cap Diamant.

Sur le sommet de cette partie de la citadelle, ils étaient complètement seuls et ils pouvaient s’entretenir intimement sans être interrompus.

Ils parurent en être charmés tous deux, chacun d’eux ressentant probablement qu’il avait quelque chose à dire à l’autre, ou plutôt qu’ils pourraient toucher à certains sujets de conversation jusque-là passés sous silence, qui pourraient les amener à une meilleure entente mutuelle. Roderick était un peu plus grave et plus réservé que sa compagne. Pauline n’y attacha aucune importance, attribuant cela aux préoccupations du soldat, supposition que sa conversation put justifier tout d’abord.

— Ce point est fort exposé, dit-il, et dans quelques jours aucun de nous ne pourra l’occuper. Quand toute l’armée rebelle viendra de la Pointe aux Trembles, elle pourra aisément nous bombarder de ce côté de la citadelle.

— Mais c’est un bon poste d’observation, n’est-ce pas ? demanda Pauline.

— Excellent, bien que moins bon que celui-là, plus haut, qui est bien gardé et où il y aura toujours deux sentinelles.

— Tout en parlant, Roderick aperçut des personnes en mouvement sur la grand’route près des plaines d’Abraham.

— Regardez, Pauline, dit-il ; connaissez-vous ces gens-là ?

— Non. Est-ce que ce sont des soldats ?

— Ils s’appellent : carabiniers de la Virginie. C’est l’avant-garde de l’armée rebelle. Ils ont rôdé aux alentours, ces deux derniers jours.

— Des carabiniers de la Virginie, Roddy ? dit Pauline avec une expression d’interrogation dans ses yeux noirs.