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les bastonnais

torches auraient facilement pu détruire. Qui sait ? Il s’est peut-être perdu ce jour-là une grande occasion d’acquérir de la gloire.

— Je voudrais les voir se précipiter à la rencontre des Américains, dit Zulma à Pauline. Mais l’ombre de Montcalm plane sur eux. Si le marquis était resté dans ses retranchements, nous n’aurions jamais été conquis par les Anglais. Si les Anglais voulaient seulement suivre aujourd’hui son mauvais exemple ! Elle se mit à rire de bon cœur.

VI
le pavillon parlementaire.

Tout à coup, on remarqua un singulier mouvement parmi les troupes américaines et le silence régna au milieu de la foule anxieuse qui encombrait les remparts. On vit les principaux officiers rebelles se grouper et se consulter. Il était évident, à en juger par leurs gestes, qu’ils discutaient une question importante, et que ce conseil était loin d’être harmonieux. Au centre du groupe était un homme de petite taille et de forte corpulence, au teint fleuri et paraissant âgé d’environ trente-cinq ans. Il exposait ses vues énergiquement, tantôt avec un sourire persuasif, tantôt par des paroles violentes. C’était Arnold. Quelques officiers écoutaient en silence, d’autres s’éloignaient en faisant des gestes de dérision et avec un air de mépris sur leurs traits. Finalement, l’entrevue se termina ; les troupes se retirèrent un peu sur tout le long de la ligne et tous les soldats parurent très anxieux de voir ce qui allait se passer.

Un clairon s’avança, suivi d’un jeune officier de haute stature portant l’uniforme des grenadiers. Tous deux firent à Arnold le salut militaire et reçurent les instructions qu’il leur donna à voix basse. Le jeune officier prit des mains de son commandant une dépêche scellée et dégainant son épée, il y attacha un mouchoir blanc.

La vue du mouchoir expliquait tout le mouvement.

« Une sommation de capituler, » tel fut le mot qui passa le long des rangs des Continentaux, et qui fit rire presque tous les soldats. Les officiers pouvaient à peine dissimuler leur dégoût, et quelques-uns d’entre eux protestèrent hautement contre l’obligation où ils se voyaient d’être témoins de l’humiliation qui allait leur être infligée, ils en étaient sûrs.