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à force d’aimer

« N’a-t-il pas perdu comme nous jusqu’à son dernier sou ? » disait-on, en voyant le capitaliste d’autrefois monter en omnibus et promener ostensiblement sur les boulevards un mince par-dessus d’été en plein cœur de l’hiver. Quelques journaux proposèrent même une souscription nationale en faveur du grand homme infortuné, victime de son génie, de son patriotisme et de l’ingratitude des gouvernants. Mais cette proposition ne trouva pas d’écho.

L’opinion publique se contredit avec tant de facilité lorsqu’il s’agit d’établir une légende autour de ses favoris, que six mois d’omnibus et de vêtements fanés suffirent à Édouard pour fixer sa renommée de désintéressement. Il put ensuite revenir aux équipages confortables et aux grands tailleurs, certain que des interprétations favorables accueilleraient ce revirement. Il eut même le sens de comprendre que sa misère, théâtrale et attendrissante au début, le rangerait vite parmi les vaincus et les oubliés si elle se prolongeait. Quand on le verrait surgir de nouveau, comme général en chef, dans ces batailles financières où il se complaisait, on admirerait son génie, et on s’inclinerait devant son pouvoir.

Le nom de Vallery était intact au point de vue des affaires. L’acquittement dont il avait bénéficié lui rendait l’honneur sauf. Et la Compagnie du Tunnel n’était pas déclarée en faillite, mais