Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
193
à force d’aimer

citer la curiosité, et assurer d’avance à la pièce au moins un succès de tapage. On parlait déjà beaucoup à Paris de La Force inconnue. Les journaux commettaient des indiscrétions, d’ailleurs rarement authentiques. La personnalité du jeune auteur, fils adoptif du célèbre écrivain socialiste Horace Fortier, promettait des nouveautés de théories et des audaces d’idées, dont s’effrayait et s’affriandait à la fois le public. Cependant, avec son indifférence pour tout ce qui n’est pas la jouissance du moment et son ordinaire scepticisme, ce public se souciait beaucoup moins des tendances de l’œuvre et de sa portée possible que du chic impliqué dans cet événement parisien : la représentation unique, exceptionnelle, d’une pièce qui faisait peur au Gouvernement.

C’était aux dernières retouches de son drame que René procédait, lorsque le frémissement de fête montant des pelouses où dansaient Huguette et Germaine le chassa de sa table de travail.

Il descendit ses trois étages et tourna à droite, vers les Champs-Élysées.

Le flot immobilisé des équipages qui ne pouvaient stationner devant l’hôtel Vallery refluait sur le Rond-Point. C’était tout un luxe impressionnant d’attelages nerveusement campés, de laquais raidis sous les chapeaux à cocarde et les lévites à galons, de voitures serrées roue à roue perpendiculairement au trottoir, et dont lui-