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à force d’aimer

regrets, se déchaînaient à travers son être. Jamais il n’aurait imaginé que la chair et l’esprit d’un homme pussent être le théâtre d’une lutte aussi douloureuse.

Cela dura quelque temps. Puis un calme survint. Une sorte de calme glacé qui eût effrayé le spectateur. Le jeune homme leva son visage ravagé, marbré par l’enfoncement de ses doigts crispés dans les joues et les tempes. D’un regard fixe, il sembla contempler une idée nette parmi le chaos de ses incertitudes. Cette idée se définit, s’imposa. Alors, de toute sa volonté, le pauvre garçon la saisit. Il s’y cramponna comme le nageur qui va sombrer se cramponne à la planche de salut. Puis, comme s’il craignait qu’elle ne lui manquât, qu’il ne se retrouvât sans force pour agir, vivement il prit une plume, il écrivit :

« Monsieur,

« La conclusion que vous avez tirée de mon silence n’est pas exacte. Nous sommes et nous ne devons être l’un pour l’autre que des étrangers.

« René Marinval. »

Ce soir-là, quand il se retrouva dans la petite salle à manger de la rue Montaigne, devant le