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à force d’aimer

Il s’arrêta, la parole coupée par une suffocation d’orgueil. Et il oubliait l’objet de sa visite, croyait n’avoir plus d’autre but que de satisfaire un désir ancien déjà et très lancinant : celui de constater l’effet produit sur cette femme par son étonnante carrière, et d’écraser sous une irrésistible admiration le mépris qu’elle osait peut-être lui garder.

— « Vous croyez que j’aime l’argent ? » reprit-il devant le silence d’Hélène. « Certes, je l’aime… mais non pas comme un vulgaire instrument de jouissance. Je l’aime pour la puissance qu’il donne et pour les entreprises qu’il rend possibles. Vous verrez sous peu quel service je rendrai au Gouvernement, à la France…

— Pardon ! » interrompit Mlle Marinval. « Si c’est pour faire l’article sur votre prochaine émission que vous êtes venu me voir, je vous avertis que je n’ai pas de fonds à placer. »

Le ton était encore plus cinglant que la phrase. Édouard Vallery eut une rougeur, un balbutiement de gêne ; puis la colère le prit.

— « Si vous croyez servir les intérêts de René en vous montrant hostile comme vous le faites !…

— Les intérêts de René !… Mais il n’a rien à attendre que de mon travail pour le présent et du sien pour l’avenir. »

— « Ah ! » pensa-t-il, « comme elle va devenir souple dans un instant ! » Il adoucit lui-même ses intonations pour répondre :