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à force d’aimer

— « Où est-elle, cette dame ?

— Dans la bibliothèque.

René se dirigea vers cette pièce, la seule de l’appartement qui jouât le rôle de salon ; elle servait aussi de cabinet à Horace, quand celui-ci ne travaillait pas dans sa chambre à coucher.

La porte ouverte, il ne distingua d’abord, à contre-jour, qu’une silhouette élégante et jeune. Puis la mousse blonde d’une chevelure légère, flambant autour des tempes, lui fit battre le cœur… Avant qu’il pût s’accuser d’une illusion absurde, il reconnut Huguette Vallery.

Elle était seule… Donc elle se savait sa sœur.

Les deux jeunes gens restèrent debout l’un devant l’autre. L’émotion, la timidité, les écrasaient. Mais, en même temps, une douceur immense flottait en eux. Le charme de ce singulier sentiment fraternel, aiguisé par la différence des sexes et par leur beauté, leur mettait au cœur une sensation presque surhumaine. Sans qu’ils sussent comment ni pourquoi, leurs yeux, tout à coup, se mouillèrent.

Huguette, comme femme, devait avoir, la première, la finesse et la force de dire ce qu’il fallait dire.

Elle eut un mot incomparable, non préparé, jailli spontanément de son âme instinctive.

Elle dit simplement :

— « C’est notre père qui m’envoie. »