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à force d’aimer

bruit de la porte, « voici M. Marinval, à qui vous pouvez parler comme à M. Fortier lui-même. »

Le monsieur se retourna. René vit un jeune homme à la physionomie arrogante et nulle, assez joli garçon malgré sa pâleur fripée de noctambule parisien et la prétention de son costume : son menton guindé sur une haute cravate, et ses hanches enjuponnées dans une ample et longue redingote, qui efféminait sa silhouette. Machinalement le garçon de bureau tendait au rédacteur la carte de ce visiteur pressé. Mais Marinval eut à peine besoin d’y jeter les yeux pour savoir qu’il était en face de Ludovic Chanceuil. La lecture du nom sur le carré de bristol ne fit que confirmer une instinctive certitude.

— « Que voulez-vous ?… » prononça-t-il d’un ton si agressif et dédaigneux que le garçon de bureau en sursauta d’étonnement.

— « Mais… vous apprendre à être poli, d’abord, monsieur ! » riposta Chanceuil, avec un mouvement nerveux de la main qui tenait sa canne et un redressement rageur des épaules.

René n’écouta pas sa réponse. Il le regardait, sentant d’abord la nécessité de fixer ce visage dans sa tête, pour le retrouver tout à l’heure autre part, — dans un café, au théâtre, n’importe où, mais ailleurs que dans cette antichambre de journal. Car il n’avait ici ni le lieu ni le sujet d’une provocation sérieuse. Cependant l’envie