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à force d’aimer

— « Mon cher maître, il faut que je m’éloigne, au moins pour quelque temps. Donnez-moi une mission à l’étranger, en Angleterre, en Russie, où il vous plaira. Vous avez des correspondants partout. Laissez-moi remplacer l’un d’eux. J’étudierai la question ouvrière au dehors. Je servirai notre cause tout aussi bien qu’ici. »

Fortier le regarda longuement, et, lisant sur son visage une sincère résolution, il lui tendit la main :

— « Je t’approuve. Dès demain je te proposerai un itinéraire et un plan de conduite. »

Ils n’échangèrent pas une autre parole.

« S’il part, il est sauvé, » pensait Horace.

Et il s’applaudissait d’être resté ferme, d’avoir vaincu la tentation répétée de prendre entre ses bras le malheureux fils de la pauvre Hélène et de lui dire : « Aime et sois heureux. Je ne menacerai pas un cheveu de ceux auxquels tu t’allies. Tâche de concilier ton devoir avec ton amour. Quoi que tu fasses, je ne t’en voudrai pas. Et moi, le solitaire, moi qu’aucune tendresse n’enivre, je marcherai seul à la délivrance de ceux qui souffrent. »

Il avait eu le pénible courage de ne pas parler ainsi à cet enfant qu’il aimait d’une affection unique et farouche. Et, malgré le déchirement du départ de René, il trouvait que c’était la solution la meilleure. Plutôt le savoir absent, torturé,