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à force d’aimer

veuve. La joie d’être mère ouvertement et le désir de corriger sa trop séduisante jeunesse par une étiquette plus autorisée, lui avaient fait abandonner le titre — un peu suspect à son âge et avec sa beauté — de « mademoiselle », pour prendre celui de « madame » Marinval. Ce changement, impossible parmi ses anciennes relations, lui devenait facile à effectuer, en se dépaysant.

Lorsque la démarche du père de René l’avait déterminée à quitter Paris, tout de suite elle avait pensé à Clermont-Ferrand. N’était-ce pas là que son fils était venu au monde, au cours d’un voyage dont le vrai but était demeuré un mystère pour tous ceux qui connaissaient la jolie institutrice ? Une amie intime d’Hélène, établie doctoresse dans cette ville, avait été seule confidente de la naissance clandestine, et pendant trois années avait surveillé la croissance de l’enfant, son filleul, mis en nourrice chez de braves gens dans la vallée de Royat.

Cette doctoresse, mariée à un sous-chef de la préfecture, jouissait d’une assez grande influence à Clermont. D’un esprit large, et au courant, par expérience comme par profession, de bien des douleurs humaines, elle avait découvert plus de noblesse et d’injuste souffrance dans la maternité désespérée d’Hélène qu’elle ne reconnaissait de vertu dans certaines réputations féminines qu’étaie la fortune et que sauvegarde le monde com-