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Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/45

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à force d’aimer

qu’elle aimait. Quand, pour elle, il apprenait des vers en cachette, il ne choisissait jamais quelque mièvrerie des recueils enfantins, mais il feuilletait les poètes préférés d’Hélène, et, par un instinct qu’elle avait inconsciemment développé, il s’arrêtait à l’un des passages les plus profonds de sens et les plus ravissants d’harmonie ; ensuite il le débitait d’une petite voix juste, où s’amplifiait par un étrange effet de contraste la splendeur de la pensée. Il avait, pour les bêtes et pour les fleurs, la sympathie compréhensive de sa mère. Ensemble ils étudiaient la flore admirable de l’Auvergne et rapportaient à la maison des bouquets de fleurs sauvages — éclatantes, variées et parfumées comme des fleurs de parterre.

Quand ils revenaient le soir, ainsi chargés, après avoir vu le soleil descendre, en des magnificences de couleurs, derrière le cirque des monts Dôme, et qu’ils prenaient, près du Casino de Royat, le petit tramway qui les ramenait à leur porte, ils étaient parfaitement heureux, — si heureux et si charmants à voir que les étrangers involontairement leur souriaient.

Un aiguillon de douleur surgit pour Hélène de ce bonheur maternel qu’elle croyait absolu. Elle n’en ressentit qu’une piqûre, mais elle devina qu’elle en pourrait être plus tard déchirée profondément, et elle eut peur.

Jamais, depuis que René se savait son fils, il