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à force d’aimer

fort humain le maximum de résultat. La répartition viendrait ensuite, égale ou proportionnelle suivant la logique du système général. Et l’individu y conformerait ses besoins.

« Mais quoi ! » pensait Fortier, « tous les novateurs dont je lis les chimériques programmes appuient leur société de demain sur deux pierres d’angle empruntées à la société d’hier : les appétits et les richesses. Ils acceptent les premiers, puis qu’ils s’engagent à les satisfaire, et les secondes, puisqu’ils promettent de les partager. Mais c’est les détruire du même coup. Les pierres d’angle crouleront. Les appétits satisfaits ne produiront plus les richesses, et les richesses dilapidées n’exciteront plus les appétits jusqu’à l’effort prodigieux de travail que nécessite la civilisation moderne.

« Au bout de quelques jours, ce sera la ruine absolue, la pire barbarie, la plus abjecte misère.

« Mais ces gens qui ont étayé leurs systèmes sur les passions et sur les désirs humains sont les théologiens et les métaphysiciens du socialisme. Avec moi, il entrera dans la voie scientifique. »

Auprès de préoccupations pareilles, l’amour devait paraître à Fortier une faiblesse contre laquelle il ferait mieux de se tenir en garde. Mais plutôt, il avait jugé tellement négligeable ce piège du cœur et des sens qu’il n’avait même pas songé à l’écarter de son chemin. Quand il s’y était