Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
61
à force d’aimer

tout à l’heure, elle en était certaine, qu’il allait lui parler d’amour. Oh ! des mots passionnés dans cette bouche si grave !… D’avance elle en défaillait d’une émotion délicieusement aiguisée de crainte. Car elle se sentait bien petite fille auprès de cet être de raison, de volonté, dont les yeux, lui semblait-il, faisaient agenouiller en elle-même son âme.

Que lui répondrait-elle ?… Ah ! tout de suite, elle l’arrêterait : « N’achevez pas. J’ai un triste secret dans ma vie… Je vous dois un aveu… » Mais elle connaissait les idées larges d’Horace, sa haine des préjugés sociaux. Elle se sentait pure, malgré tout. Elle savait qu’il la jugerait telle, et qu’il le lui dirait. Quel relèvement !…

Malgré la fièvre de ses pensées, Hélène essayait d’écouter et de soutenir la conversation.

M. Giraudet ne parlait guère. C’était un bureaucrate dont le cerveau honnête imitait l’intérieur de son pupitre, à la préfecture. Les idées courantes y étaient rangées avec le même ordre minutieux que ses papiers, ses plumes, son grattoir et sa gomme élastique. Et tout de suite, pour toute circonstance, le lieu commun dont il avait besoin sortait de sa case, tant il mettait vite la main dessus. Les controverses de sa femme avec Horace Fortier lui semblaient incompréhensibles en même temps qu’un peu inquiétantes et subversives. Mais son admiration pour la doctoresse ne laissait pas-