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Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/7

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à force d’aimer

Les deux fillettes bondirent du côté de la voix, en un trémoussement de petits pieds, un frou-frou de petites jupes… Pfft… Deux oiseaux qui auraient pris leur vol.

René resta seul. Alors ses larmes, contenues jusque-là, s’échappèrent. Mais des passants s’approchaient, et, sa fierté de petit homme réveillée, bien vite il sécha ses yeux. Puis, à son tour, d’un pas tranquille et d’un air qui voulait être indifférent, il tourna le massif.

Cet enfant n’avait jamais connu ni son père ni sa mère. Mais il ne songeait pas à la tristesse d’être sans parents, car il vivait auprès d’une jeune tante, non mariée, dont il était l’unique et passionnée affection. Ce qu’il eût rêvé d’avoir, c’était une sœur. Les petites filles l’attiraient, par un sentiment qui n’était pas l’instinct précoce du sexe, puisque cet instinct se trahit plutôt, à son âge, par un besoin de brutaliser et de tyranniser ces créatures plus faibles. Il les aimait par similitude de nature, les devinant fines et tendres, et facilement blessées, comme lui-même. N’avaient-elles pas toujours des caresses pour leurs poupées et pour les bêtes, tandis que les garçons brisent leurs pantins et arrachent les ailes aux mouches ? Puis c’était amusant de voir flotter leurs longs cheveux de soie. Et aussi elles étaient faciles à l’admiration, s’étonnant d’un marron sculpté en tête de monstre, d’une coquille de noix trans-