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Page:Lesueur - À force d'aimer, 1895.djvu/90

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à force d’aimer

Malgré cette vague promesse, Hélène, durant les semaines qui suivirent, continua de résister à Horace.

La difficulté des rendez-vous, dans ce milieu de province, aidait son courage. Mais ce qui la soutenait — surtout d’un soutien pareil à celui des clous dans la chair d’un supplicié — c’étaient les crises d’ironie où retombait le professeur. Elle ne savait pas à quelles fièvres de désir exaspéré, de jalousie rageuse, d’orgueil en révolte contre l’amour, correspondaient ces crises. Elle ne se doutait guère que la passion du jeune homme s’augmentait en ces luttes imprévues, et qu’il s’en voulait de se sentir beaucoup plus pris qu’il ne l’aurait cru possible.

Quand il faisait au passé de sardoniques allusions ; que, devant des tiers, il prononçait des jugements dédaigneux, cruels, sur des situations analogues ; quand, par des phrases ingénieusement torturantes, il l’assimilait aux pauvres filles trompées, à qui le monde octroie si largement, sous prétexte de moralité, le mépris qu’il réserve aux vaincus, la fierté d’Hélène s’insurgeait jusqu’à se croire victorieuse de son amour. Même, dans les oscillations exagérées de sa nature féminine qui volait aux extrêmes, elle ne voyait plus dans son sublime Horace qu’un être sans cœur, incapable de tendresse, de générosité, de justice. Secrètement parfois elle l’accusait de lâcheté.