Page:Lesueur - Le Marquis de Valcor.djvu/11

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s’ouvrait le vide énorme de l’Océan. Car ce domaine de Valcor, situé sur un promontoire du Finistère, dans le voisinage de Brest, s’enveloppe de toute la sauvage poésie qui fait de l’extrême Bretagne une région si farouchement pittoresque.

Ici, la terre et les eaux tiennent un tête-à-tête formidable. Les lames qui battent ces côtes ont dans leur élan la poussée de tout l’Atlantique. Et le rivage ne leur résiste que par un hérissement de granit, monstrueux, tourmenté, indestructible, — force inerte, non moins imposante que la force furieuse et déchaînée de la mer.

En ce moment, sur le château de Valcor, dont la magnificence architecturale et la situation merveilleuse font une des curiosités de cette côte déjà naturellement si grandiose, planait la douceur d’une splendide nuit d’été.

Là-haut, contre le velours sombre du ciel, les constellations semblaient aussi les fleurs de feu d’une prairie fantastique. Le souffle ample et suave du large apportait une fraîcheur sans rudesse, imprégnée d’arômes salins.

Par les larges croisées ouvertes de toutes parts dans la magnifique façade Renaissance, entre les tourelles, sous les grands toits Louis XIII, aux saillies des avant-corps, s’échappaient des flots de musique et des nappes de lumière, avec le frémissement de la danse. Sous les lustres aveuglants des salons, tournoyait l’envolement de couples. Toute la jeunesse aristocratique de Brest et des environs fêtait, dans la griserie du plaisir, le dix-huitième anniversaire de la jolie Micheline de Valcor.