Page:Lesueur - Nietzscheenne.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec son long corps de fausse maigre, sa ligne serpentine et cambrée, gardait toujours une élégance de race, — toute Nauders qu’elle était.

— « Tu en as de bonnes ! » cria-t-elle. « Papa me dirait : « Donne-moi tes factures. Je vais les « solder. »

— Eh bien ?…

— Eh bien, et l’argent ?… Est-ce que je l’aurais ?… Pas si bête ! Il ne me le remettrait pas. »

Un moment de silence. Les deux amies se regardèrent. Alors Mlle Monestier prononça très bas, dans une supplication désapprobatrice :

— Huguette !… Huguette !…

Un léger claquement de langue, un regard de bravade coulé entre les longs cils :

— « Ah ! Jocelyne… n’est-ce pas… assez ! Ne m’ennuie pas. »

Brusque, elle se leva, s’en alla vers l’autre bout de la pièce, ouvrit successivement tous les tiroirs d’une petite commode en marqueterie de bois de violette, aux bronzes habilement copiés sur l’ancien. Des objets de lingerie, blancheurs incrustées, nuageuses, volèrent ça et là.

Puis, voyant par un jeu de glaces que Mlle Monestier se levait, Huguette revint sur ses pas, les yeux ruisselants de larmes :

— « Oh ! tu ne t’en vas pas, chérie ? Tu ne m’abandonnes pas, dis ? Tu restes à déjeuner ?

— Impossible. J’ai des choses à faire, des choses sérieuses. »

Elles s’embrassèrent longuement, sans parler. Puis, dans le cou de Jocelyne, sous la touffe des boucles blondes, Huguette murmura :

— « Tu ne veux pas, alors… tu ne veux pas ?

— Huguette, je te le jure, je ne puis emprunter cet argent à ton père.

— C’est bien étonnant ! Qu’y a-t-il donc entre papa et toi ? » demanda Mme de Gessenay, saisie d’un vague soupçon.

— « Une scène… oui… c’est vrai… M. Nauders m’a reproché de faire mon œuvre trop en grand, de me ruiner. Nous ne sommes pas d’accord. Si je distrayais