Page:Lettres choisies de Messieurs de l’Académie Françoise, sur toutes sortes de sujets, 3e édition, 1725.djvu/454

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Il s’aviſa d’une maligne ruſe ;
Contre le mur il ſe pendit
Par les pieds de derriére au bout d’une cheville,
Et comme un mort il s’étendit.
Je voi bien ton corps qui pendille,
Dit un ſage Rat qui le vit ;
Mais ſi fortement je t’abhorre
Et je crains tant d’être pris au collet,
Que quand tu ſérois un ſoufflet,
Je ne m’y fiérois pas encore.
« Sagement fait qui craint d’être trompé ;
« Mais ſouvent quoi qu’on craigne, on ſe trouve atrapé.


XV. Le Corbeau & le Rénard.


Sur le haut d’un Chêne, un Corbeau
Ténoit dans ſon bec un fromage ;
Quel eſt ce merveilleux Oiſeau
Que je voi là sur ce branchage ?
Dit un Rénard ; qu’il eſt grand, qu’il eſt beau !
Rien n’aproche de ſon plumage ;
Aux moindres rayons du ſoleil,
Il prend mille couleurs d’un éclat ſans pareil.
Aimable Oiſeau je vous ſaluë ;
Si vous charmez l’ouïe auſſi-bien que la veuë,
Je vous tiens le plus beau des habitans de l’air,
Sans même en excepter l’oiſeau de Jupiter.
L’Oiſeau pipé fit ſon ramage,
Et laiſſa tomber ſon fromage.
Corbeau, dit auſſi-tôt le Rénard qui le prit,
Vous avez tout hors de l’eſprit.
» Louer en face est une lâche ruſe,
» Et pour s’y laiſſer prendre, il faut être bien buſe.