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Page:Lettres d’un Provençal à son épouse, 1867.djvu/30

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LETTRE QUATRIÈME


plus d’attention s’appelle quai des Quatre-Nations ou autrement quai de Voltaire. À l’endroit où aboutit le pont des Arts, se trouve en face un portail d’église ; c’est là, entre les colonnes, qu’une douzaine de garces cimentent les pierres avec le foutre de Pierre et de Paul. C’est peut-être cela qui jadis a fait donner le nom de Quatre-Nations à cette église, qu’on a baptisée aujourd’hui de celui du palais des Arts, probablement à cause de la dextérité reconnue de ces demoiselles et de leur bon marché, car quelques monnaies de billon leur suffisent. J’allai ensuite sur la place de la Révolution : cette place est, à ce qu’il paraît, presque toujours encombrée de grosses pierres de taille. C’est le quartier général des malheureuses, et comme elles vous exploitent dans les pierres, sans doute est-ce là l’étymologie de leur titre de pierreuses. Je fus bientôt assailli par une compagnie. Je fis choix de la première qui me tomba sous la main ; Je passai ma main sous sa cotte, et j’empoignai,… devine quoi ?… Un gueux ! (c’est un pot de terre à anse dans lequel les pauvres mettent du feu pour se chauffer). Elle me mena à l’écart. Et comme la crâpe vit de loin un miché qui s’avançait, elle me dit en me donnant son gueux à tenir : « Tiens,