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LETTRE CINQUIÈME


bordels de Marseille étant encore plus malpropres que ne l’est celui où je suis, qui est tenu par une nommée la Lévêque, je vais te décrire les ustensiles et les attributs qui le décorent. Dans chaque petite chambre est un trumeau auquel sont attachés des disciplines et des martinets faits de cordes à petits nœuds et armés d’épingles ; sur la cheminée sont des redingottes anglaises et des godmichés à l’usage du plaisir sodomique ; une cuvette, un pot à l’eau et une serviette figurent sur la commode. La fille qui m’avait racolé me dit de lui faire mon petit cadeau ; n’étant pas au courant, je lui demandai ce qu’elle entendait. Elle me répondit, en deux mots, qu’il était d’usage de payer avant que de ne rien faire. Je trouvai cela ridicule. Mais, ne voulant pas aller contre l’usage, j’allongeai mes six francs. Seulement, pour lier la conversation, je lui demandai son nom : elle me dit s’appeler Louise. C’est une fille de quinze à seize ans, faite au tour ; peau un peu basanée, mais douce et ferme. Elle m’a dit n’être point intéressée, et qu’elle faisait le commerce par pur libertinage. Cet aveu seul me fit bander. Comment, double garce, lui dis-je, j’ai le bonheur, pour mon entrée dans un bordel, d’y ren-