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Page:Lettres d’un Provençal à son épouse, 1867.djvu/74

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LETTRE DIXIÈME


pas trop cette fois nous livrer à l’amoureux plaisir, à cause des personnes qui étaient chez elle, nous fûmes obligés de discourir ; et comme nous étions échauffés par un commencement de luxure, tu dois bien penser que nous ne nous entretînmes que de libertinage. Voulant à la fin m’assurer si elle était aussi ferme sur les principes que madame K……r, je lui dis avec une espèce de contrition, que j’étais fâché d’avoir corrompu son cœur, non par rapport à son mari, mais pour elle-même… — Corrompu ! s’écria-t-elle vivement. Est-ce que tu crois être le premier avec qui je fais cocu mon époux ? Et pourquoi ton sexe s’arrogerait-il le droit exclusif de nous faire cornette, sans nous donner le loisir d’user de représailles ? — C’est tyrannique, j’en conviens ; c’est peut-être… — Il n’y a point de peut-être, continua-t-elle ; la nature, en formant l’homme et la femme, n’a pas plus établi de différence entre eux qu’entre les animaux ; elle a dit : Croissez et multipliez. Si elle eut voulu donner à l’un des prérogatives sur l’autre, sans contredit, c’eût été à mon sexe pour le dédommager des inconvénients qui l’assiégent et des périls qui menacent ses jours. En effet, la femme marche toujours à côté d’un précipice prêt à l’engloutir ; sa complexion